Paul Doumergue: Vague de Chair.

Editions de Foi et Vie, Paris, um 1918 (?), 24 Seiten. Broschur, Heft.

Dans la bataille de Verdun — plus encore que dans les batailles d'Artois et de Champagne — il n'est question que de vagues, les soldats marchant à l'assaut par vagues, étant de la première, de la seconde, de la troisième vague. Voilà certes le dernier mot de l' « organisation», depuis qu'elle a pris la place de la civilisation: on organise un océan d'hommes en vagues, et puis la vague bondit. On nous dit qu'à l'arrière, à douze kilomètres de la ligne de feu, Guillaume II contemplait d'un observatoire, comme autrefois devant le Grand Couronné de Nancy, l'assaut des vagues allemandes, quand il eut donné l'ordre: avancer quelles que soient les pertes. L'empereur, comme tout bon Allemand du xxe siècle, vit dans l'atmosphère fuligineuse et romantique des mythes: il doit s'être senti ce jour-là bien près et même au-dessus de Zeus ou de Wotan, lanceurs de vents et de foudres: que sont en effet les tempêtes de l'Océ an ... La guerre est devenue — sous l'impulsion allemande que les nations alliées ont été contraintes de suivre — une bataille des éléments, un cataclysme dans une nature nouvelle surajoutée à l'ancienne, machinée par la science, en quelque sorte surnaturelle, mais surnaturellement méchante, sauvage, meurtrière; c'est la folie furieuse de tout ce qui est élément de mort dans le monde, dont l'énergie est intensifiée, exaspérée par cette fureur même et cette folie. J'ai sous les yeux les impressions qu'ont données eux-mêmes les civils évacués, les soldats blessés qui ont vu le champ de bataille. Pour en marquer l'aspect catastrophique, fantastique, effroyable, tous recourent au mot qui marque dans l'esprit populaire la vision d'un autre monde qui ne serait que le nôtre, ébranlé, renversé, chaviré, livré au vertige et au cauchemar; un enfer.